Le Canigou : si ce nom évoque pour vous de la pâtée pour chiens, c’est que vous n’êtes pas Pyrénéen… et encore moins Catalan ! Le Canigou n’est pas un sommet mythique, c’est un sommet sacré. Car pour avoir l’autorisation de se déclarer vraiment Catalan, il faut avoir gravi le Canigou (ou plutôt Canigo, avec un accent sur le O) au moins une fois dans sa vie. Voilà pourquoi on rencontre une population hétéroclite sur ses pentes : familles entières en vêtements de ville, trailers aux grosses montres et aux petits sacs, indépendantistes venant accrocher un drapeau à la croix du sommet, traverseurs des Pyrénées effectuant un crochet depuis le GR10, scouts venant chercher la caillasse et l’illumination, anciens refaisant chaque année la même ascension… Pourtant, le sommet s’avère très austère : gros tas de cailloux anguleux et inhospitalier, vous savez, ces rochers vraiment méchants pour les randonneurs, au sein desquels il est impossible de dégager un vrai chemin. Pourquoi donc un tel engouement ?
Panorama sud depuis le sommet
Il faut dire que le sommet en impose. Situé à seulement 45 kilomètres de la mer, il surplombe littéralement la plaine de ses 2784 m verticaux. Depuis Perpignan, on ne voit que lui, il domine la ville plus que le Castillet. Et on le voit de loin… C’est bien simple, par beau temps, je le distingue même de chez moi, pourtant à 140 km de là à vol de drone, au nord de Toulouse. A la mi-saison, le spectacle en arrivant sur l’A9 est saisissant : sur la gauche, la mer se détache, d’un bleu azur profond, et juste au-dessus, un cône saupoudrée de neige immaculée. On a l’impression de contempler un paysage surréaliste en images de synthèse, comme dans les blockbusters américains, vous savez quand on se dit « dommage, les graphistes ont exagéré l’arrière-plan, un vrai paysage ne peut pas ressembler à ça ! » Pour être exact, le Canigou est plus qu’un sommet, c’est un massif. Toute la zone de montagne environnante s’oriente vers ce point. De Font Romeu jusqu’à la Méditerranée, les autres pics s’avèrent complètement secondaires. C’est rare pour un massif de montagne, d’être aussi dominé. Du vrai SM !
Il était donc logique pour moi de le faire à VTT.
Le Canigou s’attaque par deux faces principales : la voie classique, depuis le nord, dites des Cortalets, nom du refuge par où elle passe. C’est indubitablement la plus facile. Et la voie sud, dite des Mariailles (un autre refuge), également connue sous l’appellation « par la cheminée ». Car quand vous parlez de cheminée à un Catalan, il va probablement penser à ce couloir raide menant directement au sommet à travers les 100 m de falaise sommitaux. Laquelle choisir ?
Voie de la « cheminée »
Je pratique le VTT avec un état d’esprit 100% « montagne ». En clair, je ne vais pas faire du vélo, je réalise l’ascension d’un sommet, par un itinéraire qui se veut esthétique, si possible en boucle, si possible en passant par les difficultés maximales (pourvu qu’on puisse toujours descendre sur le vélo). La voie nord est plutôt inintéressante, l’essentiel se montant sur une piste. La voie sud s’avère plus sauvage, plus longue, plus technique pour la descente sur sa partie inférieure, et en bonus, il y a ce challenge de passer par la cheminée avec nos vélos. Quoi qu’il en soit, la descente VTT de la partie sommitale doit obligatoirement se faire côté nord, les autres faces étant pour ainsi dire, verticales. Nous avons ainsi opté pour une belle boucle, en deux jours : montée au sommet par la cheminée, descente vers les Cortalets, puis bifurcation pour contourner tout le massif et retomber sur Mariailles. Quant au bivouac, peut-être sous la cheminée, peut-être au sommet, on verrait selon la météo. Si j’avais su à quel point on allait galérer, on aurait peut-être choisi une autre option…
Ce premier septembre, nous voilà donc partis de Toulouse à 7h00 du matin, Michel et moi. Michel est avant tout un windsurfer, qui a démarré le VTT sur le tard. Néanmoins, à 47 ans, il n’a pas froid aux yeux sur le vélo. Sa particularité est d’aimer rider avec le minimum de protections : pas de gants, pas de genouillères, pas de coudières, juste une petite dorsale et un casque basique. Autrement dit, c’est un puriste. Par contre, il emporte toujours 2 kg de nourriture, même pour deux jours. Il a peur de manquer. Moi, je n’emmène toujours que le strict minimum de nourriture mais je compense avec 2 kg de batteries pour le drone, la caméra et les gopro. Bref, on est complémentaires.
La piste menant à Mariailles est bien ouverte, comme me l’avait confirmé la veille la gardienne du refuge que j’avais pris le soin d’appeler. Cette piste reste fermée tout l’été, allongeant considérablement la marche d’approche et éloignant les touristes, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Malgré la fort mauvaise qualité de la piste, le monde qui nous attend au parking est impressionnant.
Nous commettons l’erreur de peser nos sacs juste avant de partir. J’ai toujours un peson dans la voiture, qui me sert à répartir les charges entre mes coéquipiers et moi. Faute de quoi, avec mes batteries et mon pesant matériel vidéo, je me fais toujours avoir ! 15 kilos. Nos sacs pèsent 15 kilos. Sachant que mon vélo en pèse pas loin de 16, nous nous retrouvons chargés comme des porteurs sur la route du camp de base.
Entre 30 et 32 kg à porter…
Néanmoins, nous nous sentons en forme, légers. Tellement légers que nous poursuivons avec allégresse la piste qui monte dans la mauvaise vallée. Nous mettons tout de même plus de 200 m de dénivelée avant de nous apercevoir de notre erreur ! L’indication en bas semblait si évidente que je n’avais pas sorti la carte. Le chemin partait juste sous la piste… et j’ai cru que la flèche indiquait ladite piste. Il faut avouer que nous étions surexcités de démarrer, tels des clébards après 3h30 de route dans le coffre. Cette erreur de débutant me met en colère intérieure. 200 m de D+ avec 30 kg, ça n’est pas rien, surtout quand ça casse l’engouement du début…
Après être redescendus à notre point de départ, une deuxième mauvaise surprise nous attend : le sentier qui monte sur le flanc du vallon s’avère accidenté. Très accidenté. Pour la montée, peu importe… Mais pour la descente en VTT… avec le sac de 15 kg sur les épaules…
Le chemin côté Mariailles
Michel et moi avions déjà fait le Canigou à pied il y a plusieurs années et tous deux avions pourtant le même souvenir de la voie sud, un souvenir plutôt débonnaire. Nous ne le savions pas encore mais il en serait de même pour le reste de la course.
Je me souviens exactement de la conversation téléphonique de préparation, en début de semaine :
« – Tu préfères qu’on passe par où Alexis ?
– Par Mariailles. Parce que l’autre côté, c’est de la montagne à vache, aucun intérêt.
– Ouais, jusqu’à la cheminée, il me semble que le sentier est bon.
– Très bon, tu vas aimer, c’est du roulant. On pourra descendre pleine balle !
– Et le sommet ?
– Je crois qu’il a déjà été fait à vélo. Ça veut dire que c’est facile, inutile de regarder, ça descendra à l’aise.
– Par contre, la cheminée, on va galérer… Je me souviens qu’un de mes potes avait eu peur dedans.
– Meuh non, la cheminée, c’est juste impressionnant parce que c’est du rocher. On peut y grimper sans les mains. »
Ne jamais se fier à ses souvenirs en montagne. Soit on a eu une bonne expérience et on ne se remémore que le plaisir et la beauté du paysage. Soit au contraire, les conditions étaient médiocres et on n’a aucune envie d’y retourner. Les souvenirs ne sont jamais objectifs, ils sont toujours émotionnels.
Malgré nos 30 kg, nous montons vite, nous payant même le luxe de dépasser quelques groupes de randonneurs. En cette fin d’été, sitôt au-dessus de la forêt, le paysage prend des tonalités post-apocalyptique : des alpages roussis par le soleil, des cailloux, de plus en plus de cailloux, des torrents à sec, pas de lac, une couleur dominante orangée qui mange les bleus et les verts. Quelques vaches aussi, certes. La montagne à vaches n’est plus ce qu’elle était… Ce doivent être des vaches catalanes.
A son tour, la météo se révèle plus mauvaise que prévu. Un fort vent se met à souffler en altitude et des nuages fusent à travers la brèche Durier, enveloppant le sommet de spectaculaires draperies. Certes, c’est beau. Mais nous songeons au bivouac… Météoblue a prévu 1°C au sommet. C’est-à-dire -7°C avec un vent de 40 km/h, d’après l’abaque officiel windchill. Et nous sommes équipés légers. Malgré les conditions, nous décidons de dormir au sommet.
En 3 heures depuis le parking, nous arrivons sous la cheminée. Michel commence à stresser un peu. Il faut avouer que de loin, cela semblait vraiment être de l’escalade verticale. Sans les vélos, aucun problème. Mais avec, c’est une autre histoire. Le 3 se transforme en 6b.
Un Michel stressé, ça n’est jamais de meilleur augure pour la cohésion. Car un Michel stressé se met toujours à speeder comme un bœuf pour sortir fissa des difficultés. Il vient pourtant de me dire vouloir faire une petite sieste avant la cheminée. Je choisis donc un bon emplacement, m’étends au milieu des pierres, cale confortablement mon sac sous ma tête, ferme les yeux pour m’assoupir vingt minutes. Mais voilà Michel qui se redresse au bout d’approximativement 40 secondes. « Allez, moi j’y vais hein, il faut que je bouge ! » Sa phrase préférée en montagne.
Le début de la cheminée
Enfin, mes souvenirs me donnent (un peu) raison : la cheminée s’avère plus impressionnante qu’elle n’est difficile. Cela dit, grimper avec un vélo sur le dos n’est jamais anodin. Il faut avoir un excellent pied montagnard. Le centre de gravité est complètement décentré, le poids de votre chargement vous attire en arrière, vers le vide. Et si, pour compenser, vous vous inclinez vers l’avant, la roue touche la paroi, vous déséquilibrant brutalement. De même, quand vous vous hissez d’un pas, la roue vient souvent vous bloquer inopinément sur une excroissance de roche. Vous devez ainsi grimper de façon non naturelle, le plus loin du rocher possible, souvent de biais pour ne pas heurter la roue avant. Le pire, c’est qu’à la crainte de tomber soi-même s’ajoute la peur de faire tomber le vélo qui n’est aucunement accroché au sac, pour des raisons évidentes de sécurité. En permanence, on visualise ainsi le beau cadre carbone rebondir entre les parois de la cheminée. Il convient donc de prendre son temps, d’anticiper ses gestes, de bien visualiser son gabarit multiplié par trois.
La difficulté majeure nous attend dans la partie finale de la cheminée, la plus impressionnante. Les 20 derniers mètres s’avèrent vraiment verticaux, quoi qu’heureusement garnis de prises massives.
La partie finale est impressionnante…
Mais sur du vertical, il devient impossible de garder le vélo sur le dos. On passe donc en mode galérien, c’est-à-dire qu’on cale tant bien que mal le vélo sur les prises au-dessus de soi, puis on monte de 20 centimètres, puis on recale le vélo un peu plus haut, et ainsi de suite. Autant dire que cette technique ne marche plus sur du 5.
Impossible de porter le vélo quand ça devient trop vertical
Nous parvenons néanmoins tranquillement au sommet, dans la chaleureuse lumière du soir. Les multiples randonneurs et trailers que nous avions aperçus de loin cet après-midi, se sont évanouis.
C’est la magie du bivouac. Plus de timing en tête, plus de course contre le soleil et le froid. On sent qu’on fait corps avec la montagne. On devient complice avec le vide qui nous entoure, on devient intime avec les roches froides. L’espace d’une nuit on appartient à un groupe cosmique, au sein duquel on se sent accepté.
En général, pour le bivouac je prévois au mieux un sandwich, au pire quelques barres énergétiques c’est suffisant. Mais Michel a monté pour nous quasiment 1 kg de pâtes préparées avec du poulet aux épices et aux champignons. Et en dessert, une salade de fruits frais. Merci Michel ! (tout court)
C’est alors que commence à se poser la question où dormir ? Et voilà une sacrée question ! En effet, le sommet s’avère très inhospitalier. Plutôt large, mais parsemé de blocs aigus sans un espace accueillant. C’est simple, il a déjà été difficile de trouver juste un endroit confortable où s’asseoir manger. Nous repérons néanmoins une sorte de plateforme qui semble avoir été dégagée exprès, quelques mètres en contrebas. Le hic étant que cette plateforme borde la falaise nord, la plus haute et la plus raide du pic. Nous allons devoir dormir à 30 cm d’un à-pic de 200 mètres. Pour ne pas tomber accidentellement durant la nuit, nous édifions une petite muraille de rocs sur le rebord. Michel est ravi de devoir faire un peu de BTP. Il commençait à s’ennuyer.
La seule zone de bivouac au sommet…
Puis, comme toujours quand on part en vélo, s’invite la traditionnelle « manip de méca ». Impossible de faire un gros ride sans problème technique au milieu. En l’occurrence Michel constate que son axe de roue arrière ne tient plus. Rien que ça !… Voilà qui est plutôt gênant. Heureusement, nous parvenons à verrouiller l’axe avec une série de rilsans. Je réprimande Michel pour n’avoir pas correctement checké son matos à la maison. Cela dit, il m’avait averti au début de la journée : « je crois que j’ai un problème sur mon axe, on regardera quand on aura le temps. » Michel a toujours un côté plus windsurfer que montagnard.
Nous nous couchons dans ce bivouac royal, pratiquement au-dessus de la mer tandis que les lumières de la côte, Perpignan, Canet, Collioure… s’allument progressivement. On se croirait en avion. Classe affaires.
Le vent se déchaîne de l’autre côté du sommet mais sur notre versant, nous sommes abrités. Et nous passons au final une excellente nuit.
Au matin, une surprise nous attend avec le lever de soleil. Ou plutôt, nous réveille avec le lever du soleil. Le sommet est investi par une vingtaine de personnes. J’ai du mal à comprendre. Les Catalans sont-ils tant passionnés par le Canigou qu’il y a tous les matins autant de monde qui vient assister au lever du soleil ? Je ne suis pas loin de le croire quand je commence à comprendre, en me rapprochant et en voyant les uniformes scouts. J’engage la conversation avec celui qui semble être le chef. Il m’explique qu’il s’agit de la célébration des 75 ans de la croix du Canigou, la croix massive en fer forgée, installée au sommet, qui se voit systématiquement décorée de drapeaux catalans, de fanions d’équipe de rugby, ou autres étendards tibétains… Un prêtre se trouve derrière lui, sur le point de célébrer une messe. Un prêtre souriant, en tenue Millet !
A priori, c’est un événement exceptionnel. La dernière messe au sommet remonterait à plus de dix ans. Nous assistons ainsi au sermon, sur fond de soleil levant. Scène surréaliste.
La plupart des fidèles ne portent pas de vêtements de montagne et semblent se cailler sérieusement. Mais tous sont heureux d’être ici, en communion. La montagne change, prend des allures mystiques sous les psalmodies. Michel, qui a vu l’itinéraire de descente, tente de faire bénir les vélos ; mais il s’y prend trop tard, la messe est terminée.
En quelques minutes, le sommet est à nouveau vide. Nous apercevons néanmoins au loin, sur le sentier des Cortalets, les multiples randonneurs qui ont engagé l’ascension et que nous ne manquerons pas de croiser bientôt. Il ne faut pas tarder pour ne gêner personne sur la partie sommitale.
Enfin, nous enfourchons nos machines. L’attaque est violente. Le single serpente sur une pente à 45°, au milieu de blocs anguleux peu propices au VTT.
Un démarrage un peu hostile…
La structure géologique est fondamentale en vélo de montagne. Certaines roches peuvent s’avérer accueillantes quoi qu’impressionnantes, tandis que d’autres recèlent d’innombrables pièges sous des allures débonnaires. Les roches que j’ai sous les yeux sont à la fois impressionnantes et piégeuses, la pire combinaison puisqu’elle entame le moral et l’assurance tout en recelant de réelles difficultés.
Or, il faut du sang-froid pour engager sur un tel terrain. Il faut se constituer des certitudes tous les trois mètres. La certitude que ça passe. Si l’on hésite, les appuis et l’équilibre ne sont pas francs, et on tombe. Un peu comme en ski de pente raide. Et sur ce genre de terrain, la chute fait mal, même à faible vitesse.
Les gens que nous croisons sont tous ébahis. Chacun y va de son commentaire :
« Mais comment vous êtes montés ? »
« Si on m’avait dit que je croiserais des vélos ici ! »
« Vous venez de quelle galaxie ? »
« Je voudrais tellement être capable de faire ça… »
« On vous a héliportés ? » A sa femme, l’air blasé : « Avec ce débattement de fourche, c’est facile ! » (et oui, on les connait, ceux qui ne supportent pas les potentialités de comparaison négatives ; si vous les invitez à manger, ils auront bu un vin plus classieux la veille)
La descente est éprouvante. Certaines courtes portions ne passent absolument pas. Néanmoins, nous franchissons avec succès la grande majorité des sections.
Parfois, il nous est nécessaire de nous arrêter, partir en reco à pied, étudier le chaos de roches, visualiser au centimètre près les endroits où l’on doit placer la roue, avant de revenir au vélo, prendre une grande inspiration et se lancer en ayant l’absolue certitude que « pas de problème mec, ça passe ! » Et si l’on n’est pas sûr, il faut regarder plus attentivement, se concentrer sur les rochers jusqu’à avoir assimilé le terrain.
La difficulté reste soutenue sur les 300 mètres sous le sommet. Il n’y a pas plus de cinq mètres faciles d’affilée. Nous sommes déjà ruisselants de sueur au collet de Portella.
Le collet de Portella
Puis, le sentier s’améliore grandement, devient réellement praticable pour le VTT. Nous en profitons pour prendre enfin un peu de vitesse.
Arrivés à l’embranchement du GR10, nous bifurquons à gauche, sans descendre jusqu’au refuge des Cortalets. Nous devons maintenant contourner tout le massif pour rejoindre Mariailles.
Le single qui nous attend est tout aussi rude. Le terrain ne s’améliore qu’une fois franchie la limite des arbres. On enquille des sections raides et techniques jusqu’au refuge de Bonne Aigues. Le décor change mais les rochers agressifs demeurent. Et ce n’est pas un peu de mousse verdoyante qui va faire diversion.
Pas de repos…
Comme son nom l’indique, nous pouvons enfin recharger les gourdes à Bonne Aigues. Du fait du bivouac au sommet, nous n’avons pas fait le plein depuis la veille, à midi. Nous nous sommes même rationnés. Un peu d’eau fraiche fait du bien, mais le plus dur nous attend : nous devons maintenant remonter et porter à nouveau les vélos. Ce que je pensais être un petit sentier sympa à flanc de montagne s’avère être un vrai chemin de croix, un itinéraire presque freeride à travers des pierriers écrasés de soleil, montant et descendant en permanence, se perdant au fond de vallons déchiquetés, nous donnant l’impression de ne plus progresser du tout. Mais attendez… Non, ce n’est pas une impression ! A cet instant, je constate avec effroi en sortant la carte que nous avons avancé d’à peine 2 km en 1h30, pour 150 m de D+. Et à vol d’oiseau, nous sommes à 500 m de notre point de redémarrage. Un enfer !
Je croyais porter le vélo sur quelques centaines de mètres. Erreur ! Après 4 km éreintants, nous sommes toujours en mode portage. Sauf que cette fois-ci, nous commençons sérieusement à être épuisés. Dans ces circonstances, il y a une technique à appliquer : il ne faut plus visualiser l’objectif final, mais segmenter le tout en micro-objectifs et ne se focaliser que dessus. En clair, plutôt que visualiser les Mariailles qui se trouvent encore au minimum à 4h30 de galère, il faut se choisir un objectif à portée, un collet 300 m devant, quelque chose d’atteignable. Et une fois-là, se fixer un nouvel objectif. On appelle ça la « technique salami ». Parce qu’un salami, vous le découpez en fines tranches pour pouvoir le manger.
Après plus de 10 heures d’efforts, nous parvenons enfin à la voiture. Fort heureusement, nous avons pu effectuer toute la dernière partie sur le vélo. Malgré ses 47 ans VS mes 35, Michel m’a mis 20 minutes sur la partie finale ! Comme quoi, les fruits et le poulet, ça paie…
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Le Canigou à VTT
Le Canigou : si ce nom évoque pour vous de la pâtée pour chiens, c’est que vous n’êtes pas Pyrénéen… et encore moins Catalan ! Le Canigou n’est pas un sommet mythique, c’est un sommet sacré. Car pour avoir l’autorisation de se déclarer vraiment Catalan, il faut avoir gravi le Canigou (ou plutôt Canigo, avec un accent sur le O) au moins une fois dans sa vie. Voilà pourquoi on rencontre une population hétéroclite sur ses pentes : familles entières en vêtements de ville, trailers aux grosses montres et aux petits sacs, indépendantistes venant accrocher un drapeau à la croix du sommet, traverseurs des Pyrénées effectuant un crochet depuis le GR10, scouts venant chercher la caillasse et l’illumination, anciens refaisant chaque année la même ascension… Pourtant, le sommet s’avère très austère : gros tas de cailloux anguleux et inhospitalier, vous savez, ces rochers vraiment méchants pour les randonneurs, au sein desquels il est impossible de dégager un vrai chemin. Pourquoi donc un tel engouement ?
Panorama sud depuis le sommet
Il faut dire que le sommet en impose. Situé à seulement 45 kilomètres de la mer, il surplombe littéralement la plaine de ses 2784 m verticaux. Depuis Perpignan, on ne voit que lui, il domine la ville plus que le Castillet. Et on le voit de loin… C’est bien simple, par beau temps, je le distingue même de chez moi, pourtant à 140 km de là à vol de drone, au nord de Toulouse. A la mi-saison, le spectacle en arrivant sur l’A9 est saisissant : sur la gauche, la mer se détache, d’un bleu azur profond, et juste au-dessus, un cône saupoudrée de neige immaculée. On a l’impression de contempler un paysage surréaliste en images de synthèse, comme dans les blockbusters américains, vous savez quand on se dit « dommage, les graphistes ont exagéré l’arrière-plan, un vrai paysage ne peut pas ressembler à ça ! » Pour être exact, le Canigou est plus qu’un sommet, c’est un massif. Toute la zone de montagne environnante s’oriente vers ce point. De Font Romeu jusqu’à la Méditerranée, les autres pics s’avèrent complètement secondaires. C’est rare pour un massif de montagne, d’être aussi dominé. Du vrai SM !
Il était donc logique pour moi de le faire à VTT.
Le Canigou s’attaque par deux faces principales : la voie classique, depuis le nord, dites des Cortalets, nom du refuge par où elle passe. C’est indubitablement la plus facile. Et la voie sud, dite des Mariailles (un autre refuge), également connue sous l’appellation « par la cheminée ». Car quand vous parlez de cheminée à un Catalan, il va probablement penser à ce couloir raide menant directement au sommet à travers les 100 m de falaise sommitaux. Laquelle choisir ?
Voie de la « cheminée »
Je pratique le VTT avec un état d’esprit 100% « montagne ». En clair, je ne vais pas faire du vélo, je réalise l’ascension d’un sommet, par un itinéraire qui se veut esthétique, si possible en boucle, si possible en passant par les difficultés maximales (pourvu qu’on puisse toujours descendre sur le vélo). La voie nord est plutôt inintéressante, l’essentiel se montant sur une piste. La voie sud s’avère plus sauvage, plus longue, plus technique pour la descente sur sa partie inférieure, et en bonus, il y a ce challenge de passer par la cheminée avec nos vélos. Quoi qu’il en soit, la descente VTT de la partie sommitale doit obligatoirement se faire côté nord, les autres faces étant pour ainsi dire, verticales. Nous avons ainsi opté pour une belle boucle, en deux jours : montée au sommet par la cheminée, descente vers les Cortalets, puis bifurcation pour contourner tout le massif et retomber sur Mariailles. Quant au bivouac, peut-être sous la cheminée, peut-être au sommet, on verrait selon la météo. Si j’avais su à quel point on allait galérer, on aurait peut-être choisi une autre option…
Ce premier septembre, nous voilà donc partis de Toulouse à 7h00 du matin, Michel et moi. Michel est avant tout un windsurfer, qui a démarré le VTT sur le tard. Néanmoins, à 47 ans, il n’a pas froid aux yeux sur le vélo. Sa particularité est d’aimer rider avec le minimum de protections : pas de gants, pas de genouillères, pas de coudières, juste une petite dorsale et un casque basique. Autrement dit, c’est un puriste. Par contre, il emporte toujours 2 kg de nourriture, même pour deux jours. Il a peur de manquer. Moi, je n’emmène toujours que le strict minimum de nourriture mais je compense avec 2 kg de batteries pour le drone, la caméra et les gopro. Bref, on est complémentaires.
La piste menant à Mariailles est bien ouverte, comme me l’avait confirmé la veille la gardienne du refuge que j’avais pris le soin d’appeler. Cette piste reste fermée tout l’été, allongeant considérablement la marche d’approche et éloignant les touristes, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Malgré la fort mauvaise qualité de la piste, le monde qui nous attend au parking est impressionnant.
Nous commettons l’erreur de peser nos sacs juste avant de partir. J’ai toujours un peson dans la voiture, qui me sert à répartir les charges entre mes coéquipiers et moi. Faute de quoi, avec mes batteries et mon pesant matériel vidéo, je me fais toujours avoir ! 15 kilos. Nos sacs pèsent 15 kilos. Sachant que mon vélo en pèse pas loin de 16, nous nous retrouvons chargés comme des porteurs sur la route du camp de base.
Entre 30 et 32 kg à porter…
Néanmoins, nous nous sentons en forme, légers. Tellement légers que nous poursuivons avec allégresse la piste qui monte dans la mauvaise vallée. Nous mettons tout de même plus de 200 m de dénivelée avant de nous apercevoir de notre erreur ! L’indication en bas semblait si évidente que je n’avais pas sorti la carte. Le chemin partait juste sous la piste… et j’ai cru que la flèche indiquait ladite piste. Il faut avouer que nous étions surexcités de démarrer, tels des clébards après 3h30 de route dans le coffre. Cette erreur de débutant me met en colère intérieure. 200 m de D+ avec 30 kg, ça n’est pas rien, surtout quand ça casse l’engouement du début…
Après être redescendus à notre point de départ, une deuxième mauvaise surprise nous attend : le sentier qui monte sur le flanc du vallon s’avère accidenté. Très accidenté. Pour la montée, peu importe… Mais pour la descente en VTT… avec le sac de 15 kg sur les épaules…
Le chemin côté Mariailles
Michel et moi avions déjà fait le Canigou à pied il y a plusieurs années et tous deux avions pourtant le même souvenir de la voie sud, un souvenir plutôt débonnaire. Nous ne le savions pas encore mais il en serait de même pour le reste de la course.
Je me souviens exactement de la conversation téléphonique de préparation, en début de semaine :
« – Tu préfères qu’on passe par où Alexis ?
– Par Mariailles. Parce que l’autre côté, c’est de la montagne à vache, aucun intérêt.
– Ouais, jusqu’à la cheminée, il me semble que le sentier est bon.
– Très bon, tu vas aimer, c’est du roulant. On pourra descendre pleine balle !
– Et le sommet ?
– Je crois qu’il a déjà été fait à vélo. Ça veut dire que c’est facile, inutile de regarder, ça descendra à l’aise.
– Par contre, la cheminée, on va galérer… Je me souviens qu’un de mes potes avait eu peur dedans.
– Meuh non, la cheminée, c’est juste impressionnant parce que c’est du rocher. On peut y grimper sans les mains. »
Ne jamais se fier à ses souvenirs en montagne. Soit on a eu une bonne expérience et on ne se remémore que le plaisir et la beauté du paysage. Soit au contraire, les conditions étaient médiocres et on n’a aucune envie d’y retourner. Les souvenirs ne sont jamais objectifs, ils sont toujours émotionnels.
Malgré nos 30 kg, nous montons vite, nous payant même le luxe de dépasser quelques groupes de randonneurs. En cette fin d’été, sitôt au-dessus de la forêt, le paysage prend des tonalités post-apocalyptique : des alpages roussis par le soleil, des cailloux, de plus en plus de cailloux, des torrents à sec, pas de lac, une couleur dominante orangée qui mange les bleus et les verts. Quelques vaches aussi, certes. La montagne à vaches n’est plus ce qu’elle était… Ce doivent être des vaches catalanes.
A son tour, la météo se révèle plus mauvaise que prévu. Un fort vent se met à souffler en altitude et des nuages fusent à travers la brèche Durier, enveloppant le sommet de spectaculaires draperies. Certes, c’est beau. Mais nous songeons au bivouac… Météoblue a prévu 1°C au sommet. C’est-à-dire -7°C avec un vent de 40 km/h, d’après l’abaque officiel windchill. Et nous sommes équipés légers. Malgré les conditions, nous décidons de dormir au sommet.
En 3 heures depuis le parking, nous arrivons sous la cheminée. Michel commence à stresser un peu. Il faut avouer que de loin, cela semblait vraiment être de l’escalade verticale. Sans les vélos, aucun problème. Mais avec, c’est une autre histoire. Le 3 se transforme en 6b.
Un Michel stressé, ça n’est jamais de meilleur augure pour la cohésion. Car un Michel stressé se met toujours à speeder comme un bœuf pour sortir fissa des difficultés. Il vient pourtant de me dire vouloir faire une petite sieste avant la cheminée. Je choisis donc un bon emplacement, m’étends au milieu des pierres, cale confortablement mon sac sous ma tête, ferme les yeux pour m’assoupir vingt minutes. Mais voilà Michel qui se redresse au bout d’approximativement 40 secondes. « Allez, moi j’y vais hein, il faut que je bouge ! » Sa phrase préférée en montagne.
Le début de la cheminée
Enfin, mes souvenirs me donnent (un peu) raison : la cheminée s’avère plus impressionnante qu’elle n’est difficile. Cela dit, grimper avec un vélo sur le dos n’est jamais anodin. Il faut avoir un excellent pied montagnard. Le centre de gravité est complètement décentré, le poids de votre chargement vous attire en arrière, vers le vide. Et si, pour compenser, vous vous inclinez vers l’avant, la roue touche la paroi, vous déséquilibrant brutalement. De même, quand vous vous hissez d’un pas, la roue vient souvent vous bloquer inopinément sur une excroissance de roche. Vous devez ainsi grimper de façon non naturelle, le plus loin du rocher possible, souvent de biais pour ne pas heurter la roue avant. Le pire, c’est qu’à la crainte de tomber soi-même s’ajoute la peur de faire tomber le vélo qui n’est aucunement accroché au sac, pour des raisons évidentes de sécurité. En permanence, on visualise ainsi le beau cadre carbone rebondir entre les parois de la cheminée. Il convient donc de prendre son temps, d’anticiper ses gestes, de bien visualiser son gabarit multiplié par trois.
La difficulté majeure nous attend dans la partie finale de la cheminée, la plus impressionnante. Les 20 derniers mètres s’avèrent vraiment verticaux, quoi qu’heureusement garnis de prises massives.
La partie finale est impressionnante…
Mais sur du vertical, il devient impossible de garder le vélo sur le dos. On passe donc en mode galérien, c’est-à-dire qu’on cale tant bien que mal le vélo sur les prises au-dessus de soi, puis on monte de 20 centimètres, puis on recale le vélo un peu plus haut, et ainsi de suite. Autant dire que cette technique ne marche plus sur du 5.
Impossible de porter le vélo quand ça devient trop vertical
Nous parvenons néanmoins tranquillement au sommet, dans la chaleureuse lumière du soir. Les multiples randonneurs et trailers que nous avions aperçus de loin cet après-midi, se sont évanouis.
C’est la magie du bivouac. Plus de timing en tête, plus de course contre le soleil et le froid. On sent qu’on fait corps avec la montagne. On devient complice avec le vide qui nous entoure, on devient intime avec les roches froides. L’espace d’une nuit on appartient à un groupe cosmique, au sein duquel on se sent accepté.
En général, pour le bivouac je prévois au mieux un sandwich, au pire quelques barres énergétiques c’est suffisant. Mais Michel a monté pour nous quasiment 1 kg de pâtes préparées avec du poulet aux épices et aux champignons. Et en dessert, une salade de fruits frais. Merci Michel ! (tout court)
C’est alors que commence à se poser la question où dormir ? Et voilà une sacrée question ! En effet, le sommet s’avère très inhospitalier. Plutôt large, mais parsemé de blocs aigus sans un espace accueillant. C’est simple, il a déjà été difficile de trouver juste un endroit confortable où s’asseoir manger. Nous repérons néanmoins une sorte de plateforme qui semble avoir été dégagée exprès, quelques mètres en contrebas. Le hic étant que cette plateforme borde la falaise nord, la plus haute et la plus raide du pic. Nous allons devoir dormir à 30 cm d’un à-pic de 200 mètres. Pour ne pas tomber accidentellement durant la nuit, nous édifions une petite muraille de rocs sur le rebord. Michel est ravi de devoir faire un peu de BTP. Il commençait à s’ennuyer.
La seule zone de bivouac au sommet…
Puis, comme toujours quand on part en vélo, s’invite la traditionnelle « manip de méca ». Impossible de faire un gros ride sans problème technique au milieu. En l’occurrence Michel constate que son axe de roue arrière ne tient plus. Rien que ça !… Voilà qui est plutôt gênant. Heureusement, nous parvenons à verrouiller l’axe avec une série de rilsans. Je réprimande Michel pour n’avoir pas correctement checké son matos à la maison. Cela dit, il m’avait averti au début de la journée : « je crois que j’ai un problème sur mon axe, on regardera quand on aura le temps. » Michel a toujours un côté plus windsurfer que montagnard.
Nous nous couchons dans ce bivouac royal, pratiquement au-dessus de la mer tandis que les lumières de la côte, Perpignan, Canet, Collioure… s’allument progressivement. On se croirait en avion. Classe affaires.
Le vent se déchaîne de l’autre côté du sommet mais sur notre versant, nous sommes abrités. Et nous passons au final une excellente nuit.
Au matin, une surprise nous attend avec le lever de soleil. Ou plutôt, nous réveille avec le lever du soleil. Le sommet est investi par une vingtaine de personnes. J’ai du mal à comprendre. Les Catalans sont-ils tant passionnés par le Canigou qu’il y a tous les matins autant de monde qui vient assister au lever du soleil ? Je ne suis pas loin de le croire quand je commence à comprendre, en me rapprochant et en voyant les uniformes scouts. J’engage la conversation avec celui qui semble être le chef. Il m’explique qu’il s’agit de la célébration des 75 ans de la croix du Canigou, la croix massive en fer forgée, installée au sommet, qui se voit systématiquement décorée de drapeaux catalans, de fanions d’équipe de rugby, ou autres étendards tibétains… Un prêtre se trouve derrière lui, sur le point de célébrer une messe. Un prêtre souriant, en tenue Millet !
A priori, c’est un événement exceptionnel. La dernière messe au sommet remonterait à plus de dix ans. Nous assistons ainsi au sermon, sur fond de soleil levant. Scène surréaliste.
La plupart des fidèles ne portent pas de vêtements de montagne et semblent se cailler sérieusement. Mais tous sont heureux d’être ici, en communion. La montagne change, prend des allures mystiques sous les psalmodies. Michel, qui a vu l’itinéraire de descente, tente de faire bénir les vélos ; mais il s’y prend trop tard, la messe est terminée.
En quelques minutes, le sommet est à nouveau vide. Nous apercevons néanmoins au loin, sur le sentier des Cortalets, les multiples randonneurs qui ont engagé l’ascension et que nous ne manquerons pas de croiser bientôt. Il ne faut pas tarder pour ne gêner personne sur la partie sommitale.
Enfin, nous enfourchons nos machines. L’attaque est violente. Le single serpente sur une pente à 45°, au milieu de blocs anguleux peu propices au VTT.
Un démarrage un peu hostile…
La structure géologique est fondamentale en vélo de montagne. Certaines roches peuvent s’avérer accueillantes quoi qu’impressionnantes, tandis que d’autres recèlent d’innombrables pièges sous des allures débonnaires. Les roches que j’ai sous les yeux sont à la fois impressionnantes et piégeuses, la pire combinaison puisqu’elle entame le moral et l’assurance tout en recelant de réelles difficultés.
Or, il faut du sang-froid pour engager sur un tel terrain. Il faut se constituer des certitudes tous les trois mètres. La certitude que ça passe. Si l’on hésite, les appuis et l’équilibre ne sont pas francs, et on tombe. Un peu comme en ski de pente raide. Et sur ce genre de terrain, la chute fait mal, même à faible vitesse.
Les gens que nous croisons sont tous ébahis. Chacun y va de son commentaire :
« Mais comment vous êtes montés ? »
« Si on m’avait dit que je croiserais des vélos ici ! »
« Vous venez de quelle galaxie ? »
« Je voudrais tellement être capable de faire ça… »
« On vous a héliportés ? »
A sa femme, l’air blasé : « Avec ce débattement de fourche, c’est facile ! » (et oui, on les connait, ceux qui ne supportent pas les potentialités de comparaison négatives ; si vous les invitez à manger, ils auront bu un vin plus classieux la veille)
La descente est éprouvante. Certaines courtes portions ne passent absolument pas. Néanmoins, nous franchissons avec succès la grande majorité des sections.
Parfois, il nous est nécessaire de nous arrêter, partir en reco à pied, étudier le chaos de roches, visualiser au centimètre près les endroits où l’on doit placer la roue, avant de revenir au vélo, prendre une grande inspiration et se lancer en ayant l’absolue certitude que « pas de problème mec, ça passe ! » Et si l’on n’est pas sûr, il faut regarder plus attentivement, se concentrer sur les rochers jusqu’à avoir assimilé le terrain.
La difficulté reste soutenue sur les 300 mètres sous le sommet. Il n’y a pas plus de cinq mètres faciles d’affilée. Nous sommes déjà ruisselants de sueur au collet de Portella.
Le collet de Portella
Puis, le sentier s’améliore grandement, devient réellement praticable pour le VTT. Nous en profitons pour prendre enfin un peu de vitesse.
Arrivés à l’embranchement du GR10, nous bifurquons à gauche, sans descendre jusqu’au refuge des Cortalets. Nous devons maintenant contourner tout le massif pour rejoindre Mariailles.
Le single qui nous attend est tout aussi rude. Le terrain ne s’améliore qu’une fois franchie la limite des arbres. On enquille des sections raides et techniques jusqu’au refuge de Bonne Aigues. Le décor change mais les rochers agressifs demeurent. Et ce n’est pas un peu de mousse verdoyante qui va faire diversion.
Pas de repos…
Comme son nom l’indique, nous pouvons enfin recharger les gourdes à Bonne Aigues. Du fait du bivouac au sommet, nous n’avons pas fait le plein depuis la veille, à midi. Nous nous sommes même rationnés. Un peu d’eau fraiche fait du bien, mais le plus dur nous attend : nous devons maintenant remonter et porter à nouveau les vélos. Ce que je pensais être un petit sentier sympa à flanc de montagne s’avère être un vrai chemin de croix, un itinéraire presque freeride à travers des pierriers écrasés de soleil, montant et descendant en permanence, se perdant au fond de vallons déchiquetés, nous donnant l’impression de ne plus progresser du tout. Mais attendez… Non, ce n’est pas une impression ! A cet instant, je constate avec effroi en sortant la carte que nous avons avancé d’à peine 2 km en 1h30, pour 150 m de D+. Et à vol d’oiseau, nous sommes à 500 m de notre point de redémarrage. Un enfer !
Je croyais porter le vélo sur quelques centaines de mètres. Erreur ! Après 4 km éreintants, nous sommes toujours en mode portage. Sauf que cette fois-ci, nous commençons sérieusement à être épuisés. Dans ces circonstances, il y a une technique à appliquer : il ne faut plus visualiser l’objectif final, mais segmenter le tout en micro-objectifs et ne se focaliser que dessus. En clair, plutôt que visualiser les Mariailles qui se trouvent encore au minimum à 4h30 de galère, il faut se choisir un objectif à portée, un collet 300 m devant, quelque chose d’atteignable. Et une fois-là, se fixer un nouvel objectif. On appelle ça la « technique salami ». Parce qu’un salami, vous le découpez en fines tranches pour pouvoir le manger.
Après plus de 10 heures d’efforts, nous parvenons enfin à la voiture. Fort heureusement, nous avons pu effectuer toute la dernière partie sur le vélo. Malgré ses 47 ans VS mes 35, Michel m’a mis 20 minutes sur la partie finale ! Comme quoi, les fruits et le poulet, ça paie…
Pour profiter de ce trip en vidéo :
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